Redevance radio-TV, la route vers No Billag
Comment une redevance qui était techniquement justifiée et équitablement appliquée, est devenue aussi dépassée qu'inéquitable.
En 2005, j'ai écrit à tous les conseillers nationaux vaudois afin de leur signaler l'opportunité offerte par Internet de moderniser la redevance radio-TV. Je les alertais également sur la solution aberrante et injuste envisagée par les autorités. Une partie substantielle de ma lettre a été reprise dans la question 05.1076 Redevance radio-TV par Internet posée au Conseil fédéral par Marianne Huguenin.
Ma démarche était motivée par l'annonce de l'extension de la redevance radio aux internautes. Et la redevance TV devait suivre dès que la qualité serait suffisante (pour situer, 2005 est l'année de fondation de YouTube). Or je n'avais plus de téléviseur depuis quelques années et ma prise câble était plombée, car le programme TV m'indifférait, me désolait, ou m'énervait, selon l'heure. Bref, il ne m'intéressait plus. Je payais la redevance radio pour mon autoradio, et pour le reste, j'étais heureux et comblé sans TV.
Et soudainement, parce que la SSR avait mis ses émissions dans ses sites Web, tous les internautes de Suisse allaient devoir payer la TV. Quand j'ai appris la nouvelle, le premier WTF passé, je me suis dis que la presse avait sans doute mal résumé l'affaire, et que les sites Web de la SSR nécessiteraient désormais un compte payant. Comme tous les sites payants du monde, quoi. Après tout, moi aussi j'avais un site Web, et depuis plus longtemps que la SSR. Et si j'avais voulu le rendre payant, envoyer des factures à tous les internautes de Suisse parce qu'ils avaient le privilège de pouvoir consulter mon site aurait étant la démarche la plus démentiellement arrogante que je puisse imaginer[1].
Et pourtant, à quelques détails techniques près de bande passante de modem et de logiciel multimédia, il s'agissait bien de faire payer les internautes qui se passaient de poste de radio, puis ceux qui se passaient de poste de TV. Mais qui décide qui paie ? Ce n'est pas la SSR, ni Billag.
Mon vocabulaire était des plus explicites (« légitimité [] la plus discutable », « le plus sujet à la fraude », « le plus coûteux », « le plus injuste ») car le Conseil fédéral ne semblait pas avoir pris la mesure des enjeux dans la réponse à une précédente interpellation (05.3102 SSR. Redevances de réception de Jürg Stahl). M. Stahl demandait, avec peut-être un peu de malice, s'il incombait au consommateur « d'opérer à ses frais une séparation entre le système d'exploitation et les logiciels permettant de recevoir des contenus audiovisuels » et si le Conseil fédéral prévoyait « de formuler des exigences et de prendre des mesures qui prescrivent une séparation entre les systèmes d'exploitation et les logiciels permettant de recevoir des contenus audiovisuels.»
La redevance avant 2005
Durant le XXe siècle, la redevance de réception radio et télévision suisse s'appliquait à la possession des postes de radio et télévision. Elle était alors techniquement justifiable et assez juste, bien que compliquée à prélever et sujette à la fraude.
- techniquement justifiable, car il n'existait pas de moyen technique pour faire payer l'usage effectif d'une radio ou d'un téléviseur ;
- assez juste, car la possession d'une radio ou d'un téléviseur ne se justifiait guère si l'on ne souhaitait pas capter les émissions de radio ou de télévision ;
- compliquée à prélever et sujette à la fraude, car elle reposait sur un système déclaratif, et le contrôle nécessitait la visite de chaque foyer ne déclarant pas de radio ou de téléviseur.
2005 - 2015
En étendant la redevance aux ordinateurs capables d'accéder aux sites de la SSR, la redevance est devenue techniquement aberrante, injuste et encore plus compliquée à prélever.
- Techniquement aberrante, car sur Internet, le contrôle d'accès se fait dans le serveur Web, pas en allant rendre visite à tous les Internautes de Suisse.
- Injuste, car on n'achète pas un ordinateur pour consulter les émissions de la SSR. Ce n'est qu'un usage possible parmi des milliards. Et ceux qui n'ont pas de téléviseur ont de bonnes chances de ne pas s'intéresser à la télévision.
- Encore plus compliquée à prélever, car les smartphone et tablettes sont, techniquement, des ordinateurs. Mais débusquer un smartphone qui accède à l'Internet par 3G est une autre paire de manche qu'un téléviseur branché au câble.
Notes
- Même pour les 2 centimes que vaut ce site